5 questions à Catherine Pinet-Fernandes

Catherine PINET-FERNANDES, est Sociologue experte en analyse des comportements des enfants, des adolescents et des familles et Membre du Comité de Mission Maped.

 

Que signifie la créativité chez l’enfant ? Est-il possible de la
stimuler ?

 

CP : Souvent, la créativité est limitée aux loisirs créatifs ou au dessin. On incite et on félicite les enfants qui ont tous reproduit le même dessin, appliqué le même modèle. Ce n’est pas vraiment ça, la créativité… La créativité, c’est l’ouverture des possibles, c’est sortir du cadre. C’est être capable de détourner des objets, d’expérimenter en tout sens.

Stimuler la créativité chez l’enfant, c’est lui apprendre à expérimenter par lui-même, à découvrir… C’est important car, au final, la créativité peut être transposée dans d’autres situations de la vie en général. C’est pouvoir imaginer ou expérimenter d’autres manières d’être, d’autres choix, d’autres décisions dans sa vie privée et professionnelle, dans tous les cadres.

 

Le matériel fourni aux enfants – fournitures scolaires, outils pour dessiner ou colorier – a-t-il des conséquences sur la créativité ? Développe-t-il les habiletés au sens large ?

CP : Considérons le matériel et laissons de côté la notion de scolarité… et pour être plus concrets, prenons l’exemple du compas.
On achète un compas parce qu’il est sur la liste scolaire dans l’optique d’une utilisation en géométrie. Ce qui est intéressant, c’est que si l’on donne un compas à des enfants sans leur donner de consignes et donc en laissant libre court à leur créativité, ils vont l’utiliser pour faire autre chose que des mathématiques. Ils vont dessiner, créer des rosaces, inventer d’autres usages à l’outil. Et pour l’avoir observé sur une classe de CP, lorsque vient le temps de l’utiliser spécifiquement pour un cours de
mathématiques, l’enseignant peut aller à l’essentiel, sans avoir à passer par une étape d’appropriation du matériel.
C’est aussi cela la créativité : utiliser un matériel scolaire différemment de son usage pédagogique, en développant d’autres compétences et des résultats créatifs, pour soi, et ainsi faciliter son usage à posteriori.

 

Existe-t-il un lien entre la créativité et d’autres d’habiletés comme la motricité, l’inventivité, l’autonomie ?

CP : Toutes ces compétences sont imbriquées et j’aime à penser que la créativité sert surtout à développer la créativité pour elle-même parce que c’est très important.
On parle aujourd’hui de soft skills… la créativité est une compétence transversale et c’est intéressant de voir que cela est désormais validé, non plus uniquement chez les enfants, mais également chez les jeunes adultes dans leurs cursus d’études et de plus en plus dans la société, dans le monde professionnel.

 

Et en termes de créativité, rien n’est définitif. Tout est possible et à tous les âges. Chez les moins de 4/5 ans, on va parler d’expérimentation …et moins de créativité. Car créer implique une intention préalable.
Ces tout-petits expérimentent plutôt l’objet scripteur par exemple sans avoir pour objectif de réaliser quelque chose. L’intérêt sur cette cible est plutôt de les laisser faire, de les inviter à expérimenter. Et en grandissant, ils vont davantage s’autoriser à faire ce qui leur convient et aller plus loin dans l’expérimentation.

 

Mais je le redis, rien n’est définitif et on peut très bien explorer, créer, lâcher prise, à l’âge adulte, y compris en ayant eu une éducation stricte et laissant peu de place à l’originalité et à la créativité.

 

Y a-t-il un âge limite auquel on arrête de stimuler la créativité des enfants ? Un âge où les enfants ne colorient plus, ne dessinent plus ?

CP : A domicile, les enfants ont beaucoup de possibilités à tous les niveaux. Objets ludiques dans leur chambre, jouets, jeux, écrans … Les stimuli se sont multipliés sans commune mesure avec ce que nous avions il y a 20, 30 ou 40 ans.
L’enfant va donc disposer, de fait, de moins de temps libre pour créer. Or la vacuité est nécessaire pour créer. C’est la même chose pour la lecture.

A contrario, à l’école, en classe, en primaire notamment, la plupart des enseignants proposent aux élèves un certain nombre d’activités qu’ils peuvent réaliser lorsqu’ils ont terminé la demande pédagogique …et très fréquemment, le coloriage y est extrêmement présent et pratiqué avec plaisir, ainsi que la lecture et d’autres activités.

Le dessin et le coloriage restent des activités agréables. Elles correspondent à un temps de liberté, à condition de ne pas avoir un adulte qui bride cette liberté. Dans mes observations, j’ai pu remarquer parfois l’impact de la parole de l’adulte. Certains enfants refusent de dessiner ou colorier, déclarant qu’ils dessinent mal. On perçoit bien le poids de la norme, du regard limitatif porté par l’adulte.

 

Et les écrans dans tout ça ?

CP : Les écrans font partie de la créativité. Ils nourrissent un imaginaire. Il ne faut pas être dans l’opposition aux écrans. C’est une question d’équilibre, de temps disponible. Chez les enfants de moins de 5/6 ans, il est bien sûr nécessaire de limiter le temps passé devant les écrans pour favoriser les
expériences motrices variées et nécessaires.

 

Catherine Pinet a observé la manière dont des enfants s’approprient les crayons de couleur Infinity.
Elle a donné ces crayons à une école élémentaire et une école maternelle, sans consignes. L’objectif était de voir ce que les élèves en feraient au plus près de leur pratique, au quotidien en classe.

 

Pour commencer, il faut noter que les observations ont été beaucoup plus intéressantes pour les maternelles que pour les primaires.

Pour entrer dans plus de détails, voici ce qu’il faut retenir de cette « expérience » Infinity.

– Ils ont découvert ces crayons qu’ils ne connaissaient donc pas.
– Tous ont été surpris par la dimension écologique, la durée de vie, le fait d’avoir un crayon qui ne s’use pas. Ils y voyaient un intérêt économique certain.
– Les enfants ont plaisir à tenir Infinity en main. La matière, la forme, le contact sont agréables.
– Le crayon/la mine ne cassent pas.
– Le crayon ne roule pas quand il tombe, donc cela amène plus de calme dans la classe.

 

Les enfants, notamment en primaire, ont apprécié le fait qu’il y ait des petits dessins sur les crayons.
Les enfants ont beaucoup apprécié la diversité des possibilités de coloriage et de dessin : le fait qu’il y ait les deux mines, de pouvoir faire des aplats avec tout le corps du crayon.
Chez les enfants de maternelle, les enseignants ont constaté qu’ils ne mettaient plus le crayon à la bouche.

 

L’un des points forts d’Infinity est la disparition du taillage. Tailler un crayon et jeter les déchets associés, font perdre du temps aux élèves, mais aussi aux enseignants et aux ATSEM (maternelle) et ont tendance à favoriser des moments de flottement en classe (perturbations variables d’une classe à l’autre liées au bruit, aux déplacements des élèves pour aller tailler un crayon, jeter les déchets, voire demander un taille-crayon à un camarade).
Cela peut sembler négligeable, mais, dans le cadre de la gestion d’une classe qui peut compter jusqu’à plus 30 élèves, les crayons de couleur Infinity ont un impact sur les séquences pédagogiques où l’usage des crayons est nécessaire (organisation des adultes, comportements des enfants, etc.).

 

Et, pour avoir observé de nombreux temps scolaires ces dernières années, il est clair que l’ambiance d’une classe (niveau sonore, attention et concentration des élèves, etc.) est le résultat d’un mille-feuilles de facteurs. Alors, tant mieux si un outil scripteur favorise une ambiance de classe plus calme car, au final, ce temps gagné par les adultes (enseignants – ATSEM – AESH), d’après leurs dires, leur permet d’être plus disponibles pour les élèves.

 

Un autre atout essentiel des crayons Infinity a été constaté par les enseignants de maternelle. Il s’agit de la tenue du crayon. Compte tenu de sa forme triangulaire, les doigts et la main se placent naturellement sur Infinity. Dans une classe de Grande Section en REP, l’enseignante a été stupéfaite par la facilité de prise en main des crayons, même auprès d’enfants ayant des difficultés à ce propos depuis le début de l’année.

 

“Au final, de cette expérience observationnelle, on retiendra que Infinity apporte une véritable simplification des usages du crayon en classe. C’est un très bon outil d’un point de vue ergonomique, pratique, et aussi créatif.”